Culture écologique de riz humide en Suisse

    En Suisse, on pratique la riziculture inondée depuis 2017. Les premières expériences montrent que la culture écologique de riz humide peut combiner la production d’aliments et la promotion d’espèces menacées qui dépendent des zones humides.

    Les rizières, en eau de mai à août, offrent un habitat à de nombreuses espèces animales et végétales menacées. Ici la rizière près de La Sauge (VD), peu après le repiquage des plantons dans la deuxième moitié de mai.
    Les rizières, en eau de mai à août, offrent un habitat à de nombreuses espèces animales et végétales menacées. Ici la rizière près de La Sauge (VD), peu après le repiquage des plantons dans la deuxième moitié de mai.
    photo © Station ornithologique suisse
    Les rizières humides sont prisées de nombreux oiseaux pour se nourrir. Elles constituent un site d’escale attrayant pour les espèces liées aux zones humides, comme ce chevalier sylvain.
    Les rizières humides sont prisées de nombreux oiseaux pour se nourrir. Elles constituent un site d’escale attrayant pour les espèces liées aux zones humides, comme ce chevalier sylvain.
    photo © Marcel Burkhardt

    En termes de volume de récolte, le riz se situe au quatrième rang mondial des plantes cultivées, et il revêt une grande importance, particulièrement en Asie. Le riz se décline en de nombreuses variétés différentes et peut faire l’objet d’une riziculture sèche ou humide. La Suisse importe 50 000 tonnes de riz par an, en majorité d’Italie. La production locale est insignifiante, mais le riz suisse a du potentiel comme produit de niche local et rentable.

    On pratique la riziculture sèche au Tessin depuis 1997. En 2017, des premiers essais de culture en Suisse ont montré que le riz humide pouvait également arriver à maturité et donner une récolte au nord des Alpes. Des agriculteurs et agricultrices novateurs se sont pris au jeu de la riziculture humide, de sorte qu’aujourd’hui, une bonne douzaine d’entre eux pratiquent cette culture dans les cantons d’Argovie, Berne, Fribourg, Vaud et du Valais. Les recherches ont rapidement montré que la riziculture inondée combinait bien promotion de la biodiversité, en particulier des espèces des zones humides, et production alimentaire.

    En Suisse, on produit le riz sans herbicides ni pesticides. Le riz humide peut être semé ou planté. La plupart des agriculteurs et agricultrices travaillent avec des plantons qui sont repiqués vers la mi-mai dans un champ au préalable travaillé et inondé. On régule le niveau d’eau dans la rizière, aplanie, pour qu’environ 5 cm d’eau baignent les plants jusqu’à fin août. On évacue alors l’eau pour pouvoir récolter au sec à la fin du mois de septembre.

    Les recherches menées par Agroscope montrent que les rizières ont une grande valeur écologique et grouillent de vie. Il est attesté que nombre d’espèces animales et végétales s’y reproduisent – c’est le cas notamment du crapaud calamite, de la rainette verte et du sympétrum à corps déprimé. Le nombre de larves de moustiques et de libellules dans les rizières est similaire à celui des plans d’eau naturels. Des plantes très menacées comme le souchet brun noirâtre et l’héléocharis ovale sont apparues spontanément dans une rizière près de Brugg (AG) dès la première année de culture.

    Les rizières sont attrayantes également pour les oiseaux, précisément en raison de leur abondante offre alimentaire. Une étude de la Station ornithologique dans sept rizières de Suisse a permis d’attester la présence de 94 espèces d’oiseaux sur une année. Tandis que les fringilles, les bruants, les pipits et les bergeronnettes utilisent la rizière à sec, les hérons, les limicoles et les canards sont séduits par l’inondation. Par temps de pluie, les rizières attirent les hirondelles, qui y chassent les insectes. Pour la plupart des espèces observées dans les champs de riz, il s’agissait d’individus en migration et de visiteurs en quête de nourriture. Mais les rizières plaisent au-delà des seuls migrateurs : en 2022, un couple de vanneaux huppés a niché dans une rizière de Mühlau (AG). Deux autres couples qui avaient niché dans les environs ont élevé leurs jeunes dans la rizière.

    Ces observations sont prometteuses et soulignent le potentiel des champs de riz humide pour promouvoir les espèces menacées. Ces cultures ne remplacent pas les réserves naturelles, les surfaces de promotion de la biodiversité ou une agriculture plus extensive, mais, en raison de leur richesse en nourriture, elles représentent un élément très précieux d’un paysage cultivé exploité dans le respect de la nature. La création de nouvelles rizières à la place de surfaces intensives ou de serres est à saluer du point de vue écologique et bénéficie aussi aux oiseaux.