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Recherches génétiques sur l'interconnexion entre des populations de pics

Les capacités de dispersion des pics sont considérées comme comparativement peu marquées. Ceci s'applique particulièrement au pic mar qui dépend des forêts riches en chênes. A l'aide de méthodes génétiques, nous avons étudié si les populations de cet oiseau extrêmement spécialisé quant à son habitat, sont isolées les unes des autres et nous comparons les résultats avec ceux du pic épeiche qui est très répandu.

Objectifs

A cause de la destruction continuelle de leurs habitats, beaucoup d'espèces d’animaux et de plantes montrent de nos jours des répartitions fragmentées. Pour beaucoup d’espèces, on ne sait pas dans quelle mesure les échanges d’individus entre des populations locales, souvent petites et dans des fragments isolés, fonctionnent encore aujourd'hui. Pourtant c'est important pour la protection et la conservation des espèces menacées. De nombreuses études prouvent que la diversité génétique est réduite dans les petites populations locales en comparaison avec les grandes populations. Une diversité génétique faible peut d'un côté compromettre la capacité d’adaptation aux conditions environnementales changeantes, et d'un autre côté augmenter le risque d'accouplement entre individus apparentés et ses conséquences négatives sur la condition physique individuelle (dépression endogamique). Les deux mécanismes peuvent entraver le maintien à long terme des petites populations.

Le pic mar est l'une des 50 espèces prioritaires du Programme de conservation des oiseaux en Suisse mené par la Station ornithologique suisse et l'Association Suisse pour la Protection des Oiseaux ASPO/BirdLife Suisse avec le soutien de l’Office fédéral de l’environnement. Selon le plan d'action Pic mar Suisse publié en 2008, la question concernant la capacité d’expansion du pic mar, et ainsi l’interconnexion de ses populations, représente l’un des plus grands points d'interrogation. Notre étude génétique des populations de pic mar et de pic épeiche a porté sur cette lacune et a essayé ainsi de créer les conditions pour une protection optimale des pics mars, par exemple grâce au réaménagement judicieux de forêt de chênes.

Le projet poursuit les objectifs suivants:

  • quantifier les capacités de dispersion du pic mar et du pic épeiche et par-là même des interconnexions entre les populations de pics
  • étudier la diversité génétique des populations de pics mars et de pics épeiches
  • combler les lacunes selon le plan d’action pic mar Suisse
  • obtenir des connaissances utiles pour la plantation de nouvelles chênaies

Procédé

Les recherches ont été menées dans les cantons qui présentent des populations significatives de pics mar, selon le plan d'action pic mar Suisse. Au début, il s’agissait des cantons d’Argovie, Bâle-Campagne, Neuchâtel, Schaffhouse, Thurgovie et Zurich. De 2009 à 2011, des échantillons ont été prélevés dans ces cantons pour des analyses génétiques dans les forêts riches en chênes et de ces deux espèces de pics. Elles ont été complétées par des échantillons de Hesse (Allemagne), ce qui a agrandi l’échelle spatiale de l’étude.

En avril et en mai, les territoires et les cavités de nidification ont été recherchés. Un petit échantillon de sang a été prélevé pour des analyses génétiques chaque fois sur deux jeunes par nichée. Entre 14 et 19 nichées de pics mars resp. 19 et 23 nichées de pics épeiches par population ont été testés. Nous avons reçu des échantillons de plumes de Rolf Hennes, Bad Homburg en Allemagne, de 16 pics mar et 21 pics épeiche.

Les échantillons de sang et de plumes ont été analysés en collaboration avec le Dr. Glauco Camenisch et le Prof. Lukas Keller de l'Institute of Evolutionary Biology and Environmental Studies de l'université de Zurich. La quantification de la diversité génétique, de la différenciation génétique ainsi que des liens entre les populations, a été effectuée avec 12 microsatellites existants pour le pic mar, 6 microsatellites pour le pic à dos blanc et 7 microsatellites nouvellement développés pour le pic épeiche.

Importance

Le pic mar est menacé en Suisse et dans d’autres parties d'Europe. Le présent projet a comblé une lacune qui a beaucoup d'importance pour la protection et la conservation de l’espèce. De plus, les connaissances sur les connexions entre les populations de pics mars sont importantes pour pouvoir évaluer quelles chênaies peuvent être à nouveau colonisées et où de nouvelles chênaies peuvent être plantées. Le maintien de vieilles chênaies existantes et l'augmentation des connexions sont nécessaires en Suisse pour la survie à long terme de cette espèce hautement spécialisée.

Résultats

Différentes masses de diversité génétique étaient plus petites chez le pic mar que chez le pic épeiche, plus répandu et moins exigeant. Il a aussi été prouvé que les populations de pic mar étudiées, mais aucune de pic épeiche, sont passées relativement récemment par des goulets d’étranglement génétique. Ces deux constatations peuvent s’expliquer par la taille nettement plus petite des populations de pic mar tant au niveau local qu’au niveau Suisse. Les petites populations d’espèces différentes ont généralement une diversité génétique moindre que celle de grandes populations.

Les populations des deux espèces étaient spatialement structurées, mais de manière bien différente. Les pics mars des sept populations ont été attribuées à des groupes génétiques différents: les deux premiers groupes se composent d’individus de Hesse resp. Neuchâtel, le troisième groupe d’individus des cantons de Schaffhouse, Thurgovie et Zurich. Les individus d’Argovie et de Bâle-Campagne formaient un quatrième groupe mais moins homogène. Dans l’ensemble, la similarité génétique diminue avec l’augmentation de la distance géographique entre les populations. Tous ces résultats indiquent que les connexions entre les populations sont grandes si elles ne sont pas trop éloignées les unes des autres. Cependant, les pics mars peuvent se disperser sur de plus longues distances que ce que l’on avait supposé jusqu’à présent.
Chez le pic épeiche, les individus des cantons d’Argovie et de Neuchâtel formaient chacun un groupe génétique. Certaines analyses, mais pas toutes, indiquaient un troisième groupe distinct composé de pics épeiches du canton de Zurich. Les individus de toutes les autres populations ne pouvaient pas être attribués à l’un de ces groupes ou à un groupe propre. Il est intéressant de noter que la similarité génétique du pic épeiche n’a ni diminué, ni augmenté, avec la distance géographique. Les résultats du pic épeiche suggèrent une grande capacité de dispersion qui induit un mélange de populations locales à grande échelle. D’autre part, les conditions topographiques telles que les chaînes du Jura, dont certaines atteignent 1500 m d’altitude, pourraient entraver le contact entre la population de Neuchâtel et toutes les autres populations étudiées ici. Cela semble être corroboré par le fait que la différence est aussi visible chez le pic mar entre les individus de Neuchâtel et d’Argovie. Enfin, les conditions écologiques pourraient aussi être responsables de la séparation des populations de pics épeiches que l’on trouve proches mais dans des types de forêts différents en Argovie (forêt de feuillus dominée par les hêtres) et à Bâle-Campagne (forêt de chêne).

D'autres informations sur le travail de terrain (en allemand) sont fournies dans un article du magazine Schweizer Familie du 23 Juin 2011.

Responsable de projet

Gilberto Pasinelli

Partenaire

Lukas Keller & Glauco Camenisch, Institute of Evolutionary Biology and Environmental Studies de l’université de Zurich
Das Baumteam
Baumwerker
Woodtli Baumpflege Ost AG

Soutien financier

Basler Stiftung für biologische Forschung
Fachstelle Naturschutz Kanton Zürich
Forstamt Thurgau
Hilfsfonds für die Schweizerische Vogelwarte Sempach
Natur- und Vogelschutz Möhlin
Swisslos-Fonds des Kantons Aargau
Swisslos-Fonds des Kantons Basel-Landschaft