© Marcel Burkhardt
Hommage à Susi Jenni-Eiermann
Susi Jenni-Eiermann a pris sa retraite fin juin. Cette spécialiste en écophysiologie de renommée internationale a mené à Sempach des travaux pionniers.
Lorsque Susi Jenni-Eiermann arrive à Sempach en 1985, le défi est de taille. Elle vient de terminer à l’Université de Bâle son travail de doctorat sur le rôle des neurotransmetteurs dans la maladie d’Alzheimer. La voilà maintenant dans un salle toute simple, équipée certes d’un robinet – mais de labo, point de trace. Pour sa recherche ornithologique, il faudra qu’elle monte un vrai laboratoire, d’abord dans les anciens locaux de la Station au bord du lac, plus tard dans un appartement « Am Bach », et enfin dans le bâtiment actuel de Seerose. Grâce à ses efforts, la Station dispose aujourd’hui d’un labo moderne, dans lequel sont analysés de minuscules échantillons de sang, de fientes ou de plumes.
L’un des premiers grands thèmes de recherche de Susi Jenni a été les empoisonnements des milans et des buses par le carbofuran. Elle est parvenue à prouver que ce pesticide utilisé dans les champs de maïs et de betteraves à sucre tuait bel et bien ces rapaces, qui l’ingéraient en mangeant des vers de terre. Plus tard, elle a concentré ses recherches sur le métabolisme des graisses et des protéines des migrateurs au repos et en vol. Dans ce domaine, ses investigations sur la migration active sont uniques : la biologiste est restée des nuits entières au col de Bretolet, juste à côté des filets, pour pouvoir en quelques secondes saisir et examiner les oiseaux pris dans les filets. Elle a été ainsi la première au monde à étudier les processus physiologiques se produisant en vol chez les oiseaux en liberté. Ses travaux révolutionnaires ont fait de nombreux émules dans le monde entier.
Son deuxième grand sujet a été la physiologie du stress, en particulier la mesure des hormones de stress ou de leurs produits de dégradation dans différentes substances comme le sang, les plumes ou les fientes. En plus d’avoir fait évoluer les méthodes de quantification, elle a étudié l’impact du stress sur la fitness des oiseaux, et l’influence sur eux des dérangements causés par les humains. Sur la seule base d’échantillons de fientes, elle a pu montrer à quel point nos activités de loisirs affectent le grand tétras et le tétras lyre. Grâce à son travail, les plumes permettent aussi aujourd’hui de montrer à quels niveaux de stress les oiseaux sont exposés tout au long de l’année. Susi Jenni a ainsi mis à disposition des jeunes chercheurs un outil pratique pour mesurer et montrer les dégâts latents et durables causés par les activités humaines, et ce qu’on peut faire pour en limiter les effets négatifs.
Susi Jenni-Eiermann a travaillé 37 ans à la Station ornithologique, et y a profondément marqué la recherche sur la physiologie des oiseaux. Elle a su concilier avec succès vie familiale et vie professionnelle – faisant là aussi oeuvre de pionnière dans une Station à l’époque encore très « masculine ». Elle est depuis longtemps une experte largement reconnue sur le plan international s’agissant d’écophysiologie et de stress des oiseaux. Sa renommée internationale est aussi illustrée par ses fonctions de secrétaire permanente aussi bien de l’Union internationale des ornithologues que de l’Union européenne des ornithologues. A l’heure de la retraite, elle a la chance de pouvoir conserver ces mandats prestigieux mais très exigeants.
La Station ornithologique exprime sa très grande reconnaissance à Susi Jenni-Eiermann, pour avoir marqué d’un sceau décisif la recherche à Sempach par son goût de l’expérimentation et ses innovations, et ainsi ouvert de nouvelles perspectives à l’ornithologie.