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Compter les oiseaux toute l’année

Un des objectifs centraux de la Station ornithologique est de jouir d’une vue d’ensemble de la présence et de l’évolution des effectifs des oiseaux nicheurs et de passage en Suisse. Divers moyens y contribuent, parmi lesquels plusieurs programmes de suivi.

Fonte tardive, chutes de pierres, intempéries soudaines et longues marches d’approche font des recensements à l’étage alpin un vrai défi.
Fonte tardive, chutes de pierres, intempéries soudaines et longues marches d’approche font des recensements à l’étage alpin un vrai défi.
photo © Roman Graf
Les surfaces du monitoring des oiseaux nicheurs répandus (MONiR) sont cartographiées chaque année depuis 1999, celles du monitoring de la biodiversité (MBD) tous les cinq ans.
Les surfaces du monitoring des oiseaux nicheurs répandus (MONiR) sont cartographiées chaque année depuis 1999, celles du monitoring de la biodiversité (MBD) tous les cinq ans.
photo © graphique : Station ornithologique suisse, carte : swisstopo
Grâce aux nombreuses surfaces dans les Alpes, nous connaissons aujourd’hui avec fiabilité les tendances pour les espèces pour lesquelles la Suisse porte une responsabilité particulière, comme le venturon montagnard. L’indice montre l’évolution relative de l’effectif nicheur en Suisse (100 = moyenne 1990-2021).
Grâce aux nombreuses surfaces dans les Alpes, nous connaissons aujourd’hui avec fiabilité les tendances pour les espèces pour lesquelles la Suisse porte une responsabilité particulière, comme le venturon montagnard. L’indice montre l’évolution relative de l’effectif nicheur en Suisse (100 = moyenne 1990-2021).
photo © photo : Ralph Martin, graphique : Station ornithologique suisse
La Station ornithologique mise sur une méthode de cartographie des territoires simplifiée. Les cartographes peuvent s’appuyer sur une application de saisie des données sur le terrain, sur Terrimap online pour la numérisation et la présentation des observations, et depuis peu sur Autoterri, un outil qui délimite automatiquement les territoires. Ici une carte pour le merle noir.
La Station ornithologique mise sur une méthode de cartographie des territoires simplifiée. Les cartographes peuvent s’appuyer sur une application de saisie des données sur le terrain, sur Terrimap online pour la numérisation et la présentation des observations, et depuis peu sur Autoterri, un outil qui délimite automatiquement les territoires. Ici une carte pour le merle noir.
photo © graphique : Station ornithologique suisse, carte : © swisstopo
Le SBI ® reflète l’évolution de l’effectif de chaque espèce nicheuse, ainsi que celle de groupes d’espèces. On voit ici la courbe des espèces de la Liste rouge. Le diagramme représente les pourcentages d’espèces d’oiseaux nicheurs disparus (en noir), à effectifs en diminution (en rouge), fluctuants (en bleu), en augmentation (en vert), ou apparues récemment (en gris).
Le SBI ® reflète l’évolution de l’effectif de chaque espèce nicheuse, ainsi que celle de groupes d’espèces. On voit ici la courbe des espèces de la Liste rouge. Le diagramme représente les pourcentages d’espèces d’oiseaux nicheurs disparus (en noir), à effectifs en diminution (en rouge), fluctuants (en bleu), en augmentation (en vert), ou apparues récemment (en gris).
photo © graphique : Station ornithologique suisse

Leur capacité à voler fait des oiseaux un groupe bien plus mobile que d’autres. Parvenir à un panorama de leurs allées et venues demande à l’équipe de coordination de la Station un effort conséquent tout au long de l’année. Grâce à quelque 5000 personnes actives sur ornitho.ch, aux recensements d’oiseaux d’eau sur plus de 300 secteurs, et aux stations de baguage situées en zones humides ou sur des cols alpins, la présence des oiseaux hivernants et des migrateurs de passage est aujourd’hui très bien documentée.

En revanche, le suivi de nos quelque 180 espèces nicheuses régulières requiert plus d’efforts. Actuellement, on dispose de chiffres pour 176 espèces, la plupart depuis 1990. La pièce maîtresse de ce suivi est le monitoring des oiseaux nicheurs répandus (MONiR), qui recense depuis 1999 les effectifs des espèces fréquentes et répandues – principalement des passereaux – sur 267 carrés kilométriques dans toute la Suisse. Ce dispositif est complété par des relevés du monitoring national de la biodiversité (MBD) qui a lieu tous les 5 ans sur 500 carrés kilométriques.

En collaboration avec des partenaires locaux, des groupes de travail et des spécialistes d’espèces, la Station mène également des recensements dans environ 100 zones humides (MZH), dans des habitats spécifiques, sur des places d’armes et dans des parcs. Elle organise par ailleurs les recensements des nicheurs en colonies et des relevés spécifiques – par exemple des nocturnes ou des nicheurs en falaises (monitoring des espèces particulières).

Une méthode de cartographie éprouvée

Pour nombre de relevés, on emploie une forme simplifiée de la méthode de cartographie des territoires : le terrain est parcouru selon un itinéraire préétabli en reportant précisément sur carte tous les oiseaux vus ou entendus à l’intérieur d’un carré kilométrique. Cette méthode utilisée depuis longtemps en Suisse convient bien à ses habitats souvent petits et circonscrits, et les résultats ainsi obtenus sont faciles à communiquer. Les données quantitatives pour les atlas des oiseaux nicheurs 1993-1996 et 2013-2016 ont été récoltées de cette façon. On parcourt le terrain usuellement trois fois, mais seulement deux pour les surfaces alpines, et cinq à six fois pour les zones humides et les habitats spécifiques.

Pour que la méthode de cartographie reste la plus simple et harmonisée possible, divers outils la complètent : les collaboratrices et collaborateurs reçoivent des cartes précises sur lesquelles figurent les itinéraires et la durée de la visite sur le terrain, et les oiseaux migrateurs tardifs ne peuvent être comptabilisés qu’à partir d’une certaine date. Une application de cartographie développée par l’association faîtière allemande d’ornithologie DDA, un outil de numérisation (Terrimap online) et un logiciel délimitant automatiquement les territoires (Autoterri) contribuent désormais à l’efficience de la récolte et de l’analyse des données. Notre principe est d’alléger autant que possible le travail de bureau des personnes qui cartographient.

Les oiseaux de montagne : un défi particulier

Les Alpes constituent 58 % de la surface de la Suisse, le Jura 11 %. Comme notre pays porte une responsabilité particulière pour la conservation des espèces des habitats alpins et subalpins, ces derniers doivent être prospectés de manière représentative. C’est ainsi que des zones situées à plus de 2500 m sont également recensées. La cartographie à cette altitude est particulièrement exigeante : changements de temps, fonte des neiges tardive, chutes de pierres, ponts et chemins coupés par les avalanches et les crues sont autant d’obstacles potentiels.

De plus, de nombreux oiseaux de montagne sont difficiles à recenser. Des espèces telles que le lagopède alpin, la perdrix bartavelle, le monticole de roche et le tichodrome échelette occupent de vastes territoires dans un terrain où la visibilité est faible, ou arborent un excellent camouflage. L’accenteur alpin vit en coopérative, le chocard à bec jaune parcourt de larges secteurs en groupe en quête de nourriture, tout comme la niverolle alpine, le sizerin flammé et la linotte mélodieuse. Il y a heureusement aussi des espèces territoriales faciles à recenser comme le pipit spioncelle et le traquet motteux.

Combiner plusieurs sources pour montrer les tendances

Dans un petit pays, il est ardu de récolter des données en suffisance de manière à ce que le calcul des tendances soit probant pour les espèces relativement rares et difficiles à trouver. On compte dans cette catégorie, outre les espèces de montagne citées, les rapaces, les gallinacés, les pics et quelques espèces de passereaux. Les suivis traditionnels les recensent trop rarement pour donner seuls des tendances fiables. Pour calculer ces dernières, nous utilisons des méthodes statistiques développées à la Station qui nous permettent de combiner les données de différentes sources.

Les observations isolées d’ornitho.ch sont réunies avec les données quantitatives du MONiR, du MDB, du MZH et des atlas des oiseaux nicheurs. Cet ajout de données mieux standardisées aux observations occasionnelles est enrichissant pour deux raisons : d’une part, les surfaces des projets de suivi sont recensées régulièrement et avec un effort constant, ce qui est décisif pour juger l’évolution à long terme. D’autre part, les changements de densité dans le carré kilométrique sont pris en compte – une information absente des données isolées. Les tendances ainsi obtenues diffèrent significativement de celles qui se basaient uniquement sur les observations isolées, en particulier pour les années 1990. Une analyse approfondie a confirmé que la nouvelle méthode livre souvent des résultats plus fiables.

Un trésor pour la recherche méthodologique

L’excellente qualité des données brutes que constituent les relevés standardisés du MONiR s’est avérée au fil des ans et en fait une source précieuse pour de nouvelles analyses statistiques. La collaboration de la Station ornithologique avec Andy Royle du Patuxent Wildlife Research Center (USA) a joué un rôle prépondérant dans le développement de nouvelles méthodes analytiques tenant compte de la probabilité de découverte d’une espèce. Ces nouvelles méthodes donnent des indications sur la présence et les effectifs d’une espèce, leur évolution, et les facteurs écologiques qui les influencent. Ces qualités font désormais du MONiR un concept repris au niveau international dans la recherche méthodologique ; il figure en bonne place dans nombre d’articles scientifiques et plusieurs manuels. La valeur du MONiR va bien audelà de la prise du pouls de la diversité des oiseaux en Suisse. Ses données sont une mine d’or pour développer de nouvelles méthodes et pour examiner des hypothèses biologiques tout à fait fondamentales.

Spectre d’application toujours plus large

En jetant un coup d’oeil sur l’évolution des dernières décennies, on constate que les données générées par les projets de suivi de la Station ornithologique sont de plus en plus convoitées. Cela va de simples extraits de la base de données dans le cadre de projets d’infrastructures ou de revitalisation, jusqu’à la mise à disposition de grands jeux de données par exemple pour l’EuroBirdPortal ou d’autres projets internationaux, en passant par une foule d’analyses et modélisations scientifiques. De plus, les développements méthodologiques et les fruits de la recherche fondamentale que nous menons sont aujourd’hui plus demandés que jamais. Tout ceci serait impossible sans les nombreux bénévoles motivés qui, au début de chaque projet, s’engagent à récolter des données de la meilleure qualité possible, y compris dans des terrains très exigeants. À elles toutes et eux tous, un immense merci !