© Marcel Burkhardt
Un phénix qui renaît de ses cendres (19.06.2019)
Lors de l’été caniculaire de 2003, la forêt au-dessus de Loèche, en Valais, a brûlé. Depuis cet incendie catastrophique, la nature a repris ses droits sur la surface dévastée et offre un habitat unique à de nombreuses espèces animales et végétales menacées, comme le montre une récente étude de la Station ornithologique de Sempach et de l’Université de Berne.
Sempach. – Ça vrombit et stridule de partout, les fleurs s’épanouissent de tous côtés, l’air vibre du chant des oiseaux… Tableau bucolique à souhait, n’étaient les arbres morts et carbonisés visibles un peu partout. Les cicatrices du violent incendie qui a détruit près de 300 hectares de forêt de montagne durant l’été caniculaire de 2003 près de Loèche, en Valais, sont encore bien visibles. Mais la nature a désormais repris ses droits sur cette surface.
Encore mieux : la zone ravagée par le feu est devenue un hotspot pour des plantes, oiseaux et insectes menacés. Quelques années déjà après l’incendie, le rare rougequeue à front blanc atteignait ici sa plus grande densité au niveau suisse, par exemple. « La vitesse avec laquelle la nature a reconquis la surface incendiée, et y a même dépassé en diversité les forêts voisines, est remarquable » note Livio Rey. En collaboration avec la Station ornithologique de Sempach, il a réalisé une étude à l’Université de Berne sur les oiseaux de cette zone incendiée, étude dont les résultats viennent d’être publiés.
« Nous avons montré dans notre étude que certaines espèces d’oiseaux menacées au niveau suisse sont nettement plus fréquentes dans le secteur qui a brûlé que dans les forêts qui n’ont pas été touchées, juste à côté » explique Livio Rey. Ce résultat peut surprendre au premier abord, tant le feu, comme les tempêtes ou les inondations, paraît synonyme de catastrophe. C’est vrai surtout pour les humains. Pour nombre d’espèces animales et végétales en revanche, ces « processus dynamiques » recréent à neuf des habitats par ailleurs devenus rares, qui offrent des conditions de vie optimales.
Ces processus dynamiques font reculer les espèces dominantes dans un habitat donné. Ils créent ainsi de la place pour les espèces moins concurrentielles, qui sont spécialisées dans la recolonisation de ces surfaces pionnières dévastées. Comme les processus dynamiques sont souvent empêchés en Suisse, ces espèces moins concurrentielles sont de plus en plus rares et menacées. Ces oiseaux profitent en particulier des zones de sol nouvellement mises à nu, où ils peuvent facilement capturer les insectes dont ils se nourrissent.
Les incendies pourraient ainsi tout à fait constituer une mesure de protection de la nature contrôlée et locale. « Mais il est très difficile de mettre le feu à une forêt tout en s’assurant de ne pas en perdre le contrôle et qu’il ne menace pas les humains » fait remarquer Livio Rey. Tant que les questions de fond portant sur la sécurité et les intérêts humains ne seront pas résolues, le grand potentiel que recèlent les incendies pour la protection de la nature ne pourra malheureusement pas être utilisé.
Rey L, Kéry M, Sierro A, Posse B, Arlettaz R, Jacot A (2019) Effects of forest wildfire on inner-Alpine bird community dynamics. PLOS ONE 14(4): e0214644. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0214644
Pour en savoir plus
Livio Rey
Station ornithologique suisse
6204 Sempach
Tél. 041 462 97 14
livio.rey@vogelwarte.ch