Le retour du Gypaète barbu
Jadis exterminé de l’arc alpin, le Gypaète barbu occupe à nouveau une grande partie des Alpes valaisannes et grisonnes aujourd’hui. La réintroduction réussie du plus grand rapace de Suisse met en valeur l’importance de la collaboration transfrontalière dans la sauvegarde de ces oiseaux.
Si la situation des vautours est préoccupante partout dans le monde, le retour du Gypaète barbu dans les Alpes est un succès, qui constitue une des exceptions positives au sein de ce groupe.
Vers 1850, le Gypaète était encore répandu dans une grande partie des Alpes, où son tir, encouragé par des primes, provoqua son déclin rapide, puis sa disparition à la fin du XIXe siècle ; la dernière nidification suisse remonte ainsi à 1886 à Vrin GR. De nos jours, le « Casseur d’os » est cependant à nouveau présent dans le massif alpin, à la faveur d’un projet de réintroduction international.
La réintroduction d’une espèce disparue constitue un ultime recours en protection de la nature, de surcroît soumis à des conditions très strictes. Dans le cas du Gypaète, les prérequis suivants étaient remplis : les causes de sa disparition étaient connues (persécution directe) et largement résolues, la qualité de l’habitat était bonne (offre alimentaire, sites de nidification) et les chances d’un retour spontané pour ainsi dire inexistantes.
Les premiers gypaètes issus d’un programme d’élevage européen ont été libérés dans les Hohe Tauern A en 1986, avant d’autres lâchers annuels en Haute-Savoie F, dans les Alpes-Maritimes F/I et au Parc national suisse GR (1991-2007). En Suisse, la Fondation Pro Gypaète coordonne les réintroductions, qui, jusqu’en 2017 et en trois sites, ont permis à 45 jeunes de prendre leur essor.
Les premières nidifications en nature ont eu lieu dès 1997 en Haute-Savoie, 1998 dans les Alpes centrales, à Bormio I, ainsi qu’en 2007 en Suisse, avec trois envols. Depuis lors, 1-2 couples s’ajoutent chaque année. Un suivi attentif des nicheurs, assuré par la Fondation Pro Gypaète, fournit les bases nécessaires à leur protection. En 2017, la population suisse représentait environ 40 % de l’effectif alpin, toujours vulnérable malgré son développement, notamment aux rares tirs illégaux qui se produisent encore (1997 à Crans-Montana VS, 2008 à Samnaun GR).
Les nouveaux couples se fixant en général à proximité de leur lieu d’origine (site de lâcher ou de naissance), quelques régions éloignées des principaux foyers, comme la Suisse centrale et le Tessin, demeurent jusqu’à présent à l’écart des installations. Les sites de lâcher dans les Alpes orientales (Calfeisental SG, 2010-2014) et centrales (Melchsee-Frutt OW, dès 2015) ont maintenant posé les premières bases à de futurs établissements. Le projet de réintroduction vise en effet une occupation des Alpes à large échelle, assortie d’échanges avec la population souche des Pyrénées, mais aussi celles de Corse et de Crète, dans un état plus critique.
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