Les forêts claires aux nombreux spécialistes
Le couronnement des forêts claires laisse abondamment passer la lumière jusqu’au sol. Nombreuses sont les espèces spécialisées qui recherchent ce type de milieu, plantes et insectes surtout, mais aussi quelques oiseaux, dont beaucoup sont menacés et liés à des mesures de sauvegarde. Quelques projets sont en cours, mais les efforts doivent redoubler.
Les forêts claires, dont le couronnement lâche permet à une lumière généreuse de gagner le sol et sa végétation, offrent un habitat à de nombreuses espèces végétales et animales aujourd’hui rares et menacées. En l’absence d’interventions humaines, ces formations ne se développent qu’en stations très peu productives, où, malgré la luminosité, arbres et buissons ne peuvent guère pousser en raison d’un sol trop sec, trop humide ou trop pauvre en nutriments. C’est le cas de divers types de pinèdes thermophiles, de mélézins du sud des Alpes en limite supérieure de forêt, ainsi que des pinèdes sur tourbe.
Les forêts claires peuvent cependant aussi naître de l’activité humaine. Elles étaient autrefois bien plus répandues, car l’exploitation du bois était nettement plus étendue et diversifiée que de nos jours, où la sylviculture se concentre sur la production de grumes. Pratiquement tout le matériel utilisable était prélevé : bois, litière ou feuillage, baies, écorces, pommes de pin, et même le sous-bois par fauche et pacage. Avec le temps, cette extraction massive de biomasse et de nutriments a donné naissance à des sols très maigres, et donc à des milieux prisés par des plantes et animaux qui, en situations plus riches, sont immédiatement évincés par des concurrents « dominants ». Au fond, ces milieux nés d’une exploitation diverse et intensive ne devraient pas être qualifiés de « forêt », au sens strict du terme, puisque, en général, ils consistaient plutôt en mosaïques d’arbres isolés et de groupes d’arbustes dominant une végétation herbacée maintenue rase. Au cours des XIXe et XXe siècles, cette variété d’utilisations a en grande partie perdu son importance économique : toutes ont été abandonnées, à l’exception du pâturage boisé, encore pratiqué dans les Alpes et le Jura, et même encore sur plus de 20 % de la surface boisée totale dans certaines régions alpines.
Pour les insectes et les plantes, mais aussi pour les oiseaux
Des centaines d’espèces privilégient les forêts claires en stations maigres. En font surtout partie des plantes, comme la bugrane à feuilles rondes Ononis rotundifolia dans les pinèdes continentales xérophiles des vallées internes des Alpes ou le daphné camélée Daphne cneorum dans les pinèdes sur calcaire. De nombreux insectes les recherchent aussi. Par exemple, Geiser identifie 1343 espèces de coléoptères saproxyliques pour l’Allemagne, dont la majorité ne tirent profit que de peuplements de bois mort et âgé, à qui la structure arborée clairsemée confère un microclimat chaud et sec, comme le grand capricorne Cerambyx cerdo ou le ténébrion Bius thoracicus. Quelques oiseaux habitent aussi les forêts claires : celles par exemple favorables à l’Engoulevent d’Europe, au Pouillot de Bonelli, au Pic mar, à la Tourterelle des bois, au Grand Tétras et à la Gélinotte des bois se distinguent à maints égards, mais ont toutes en commun un couronnement lacunaire.
Nécessité d’agir par des projets de protection
L’importante richesse spécifique des forêts claires, dont plusieurs espèces sont menacées à l’échelle régionale au moins, rend prioritaires les projets de protection et d’action. Ces programmes existent depuis quelques années pour certaines espèces, notamment pour le Grand Tétras, au sujet duquel la Confédération a confié à la Station ornithologique un projet de protection dès 1988, et l’Engoulevent d’Europe, pour lequel le canton du Valais a mis en œuvre des mesures de conservation dès 2001, en collaboration avec la Station ornithologique. Si ces projets ont bien débouché sur quelques résultats, ils n’ont pu encore inverser la tendance à grande échelle.
Le canton de Zurich a adopté une autre approche, moins axée sur les espèces que sur les forêts claires en tant que milieux diversifiés. Dès le début des années 1990, les travaux liés au concept cantonal de protection de la nature ont mis l’accent sur l’importance des forêts claires, qui, par la suite, ont bénéficié d’un plan d’action spécifique. La Confédération a également reconnu la nécessité d’agir et élabore un plan d’action sur les forêts claires et les sites pionniers pour espèces prioritaires nationales.
Mesures différentes et entretien régulier
En fonction du sol, des conditions climatiques et des espèces ciblées, les mesures d’éclaircissement des forêts peuvent varier considérablement. Dans certains cas, le pacage bovin, parfois ovin ou même caprin, peut s’avérer nécessaire ; dans d’autres, une fauche régulière suffit. Le cas échéant, des interventions sylvicoles (appelées « mises en lumière ») permettent aussi d’éclaircir les forêts. Toutes ces mesures ont en commun leur application prioritaire dans des forêts sur sols très peu productifs. Si tel n’est pas le cas, la végétation reprendra trop vite le dessus en raison de l’abondance de lumière. Certaines forêts, notamment les pinèdes sur tourbe précitées, sont toutefois si peu productives qu’aucune mesure n’y est en général nécessaire pour sauvegarder la qualité de l’habitat.
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