L’exemple des éoliennes montre bien la complexité que peut présenter la discussion autour d’une seule source de danger. Ces installations sont souvent montées loin des agglomérations afin de ne pas incommoder les humains, mais elles contribuent à détruire des habitats car certains oiseaux évitent les structures verticales ou l’ombre des rotors. À cela s’ajoutent nouvelles routes, câbles et autres infrastructures nécessaires à l’aménagement d’un parc éolien, qui contribuent à morceler encore davantage les dernières zones refuges des espèces menacées. L’accès facilité à ces zones entraîne souvent des problèmes supplémentaires, avec l’utilisation plus intensive du terrain et l’arrivée d’activités de loisir qui multiplient les dérangements.
Lorsqu’on aborde ce problème, la discussion se limite en général aux victimes de collision. Hormis quelques rares études, il n’existe toutefois aucun suivi des effets des installations éoliennes de Suisse. La Station ornithologique a recensé entre février et novembre 2015, dans le parc éolien du Peuchapatte dans le Jura, le nombre d’oiseaux migrateurs victimes d’accidents contre des éoliennes. Parallèlement au relevé systématique des victimes, l’intensité migratoire était également mesurée par radar. Il a été constaté que 20,7 oiseaux en moyenne entrent en collision chaque année contre chaque éolienne de ce site. Ce chiffre est régulièrement utilisé dans des calculs simplistes qui ne sont pas recevables. Les grands oiseaux en particulier, comme les rapaces, dont le rythme de reproduction est lent, ne doivent pas être négligés. Leurs effectifs peuvent reculer même avec quelques victimes par année. De plus, le lien entre intensité migratoire et nombre de victimes de collision est complexe, et on ne peut pas extrapoler ces chiffres à d’autres milieux naturels. Ainsi, au printemps 2021, un collaborateur de la Station est tombé par hasard, dans un parc éolien situé sur un col des Alpes, sur une multitude d’insectes morts et 69 cadavres d’oiseaux, au pied d’une seule éolienne mal placée. Parmi les victimes, des espèces menacées et potentiellement menacées comme le pouillot fitis, la piegrièche écorcheur et la bergeronnette printanière. Il serait cependant tout aussi faux d’utiliser le chiffre de ce cas précis comme base de calculs sommaires, pour les raisons évoquées.