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Actualités - Informations générales

La nature est too big to fail

août 2023

Le destin des banques en difficulté et celui de notre nature menacée montrent quelques parallèles surprenants : ils sont les deux le résultat de l’action humaine, parfois ignorante, parfois négligente. Les deux dépendent essentiellement de décisions politiques. L’évaluation de leur importance systémique semble conclure à des possibilités de faillite différenciées. À tort.

Depuis la crise financière d’il y a 15 ans, « too big to fail » fait partie des expressions d’usage dans nos débats de société, tout comme l’« importance systémique ». Ces termes sont principalement appliqués aux banques. Lorsqu’il s’agit de nature, on ne les entend pas… encore. « Si la nature était une banque, on l’aurait sauvée depuis longtemps » : cette remarque souvent citée, légèrement modifiée ici, dit en une phrase que ce n’est pas seulement au niveau global, mais aussi ici, en Suisse, que les choses avancent bien trop timidement concernant la protection des oiseaux, des insectes, des tourbières – bref, de la nature. Plus grave encore : des décisions qui nuisent aux générations futures risquent de détruire les succès déjà obtenus.

La panade est devenue particulièrement flagrante lors du débat parlementaire sur l’Initiative biodiversité. Cette dernière s’est vue traitée de « mot à la mode », tandis que la protection de la biodiversité serait « égoïste ». La sollicitation et la destruction des habitats intacts et la menace qu’elles font peser sur les espèces les plus variées ne sont pourtant pas des bagatelles.

En quelques jours, 259 milliards de francs ont été mis sur la table pour sauver une grande banque seule responsable de ses difficultés. Pour la protection de la nature, on n’ose même pas rêver d’une telle générosité. Or, si nous devions payer pour les services écosystémiques que la nature nous fournit tous les jours gratuitement, les coûts pour la société augmenteraient massivement. Ultimement, la protection de la biodiversité concerne nos moyens d’existence. Seuls des écosystèmes sains nous garantissent des sols fertiles, une eau potable, un air pur… donc notre santé. Dans de nombreuses têtes pourtant, ce constat semble ne pas encore s’être imposé.

Lorsque les critiques d’une meilleure protection de la biodiversité, de la nature et de l’avifaune parlent de « lourdes conséquences » pour certains secteurs économiques, elles méconnaissent l’importance systémique de la nature. Nous devrions la considérer comme too big to fail. Documenter et éclairer l’évolution des populations d’oiseaux est l’une des missions de la Station ornithologique. On explique habituellement les hauts et les bas par le volume des précipitations, les heures d’ensoleillement, le nombre d’arbres ou de haies, la distance aux routes, et d’autres facteurs. Mais c’est la Berne fédérale qui a le plus d’influence.