Les développements techniques fulgurants de la localisation offrent de nouvelles possibilités pour l’étude détaillée des déplacements des oiseaux. Actuellement, les systèmes automatiques de localisation satellite arrivent à localiser précisément des oiseaux de la taille des milans royaux, ce qui permettra d’étudier les migrations des jeunes. Le projet de recherche recourt à des enregistreurs GPS à énergie solaire à deux fonctions : ils envoient des localisations horaires par réseau téléphonique sur un serveur, et permettent de télécharger des localisations intermédiaires par liaison radio. Dans de bonnes conditions d’ensoleillement, cette combinaison permet d’obtenir des localisations toutes les deux minutes. Il devrait donc être possible de suivre très précisément et durant des années les pérégrinations des milans royaux équipés de GPS. Il va être passionnant de pouvoir suivre les vols de reconnaissance des jeunes dès leur indépendance, les migrations, l’utilisation de l’espace des jeunes adultes non reproducteurs et leur installation. Les causes de mortalité et le taux de survie des oiseaux jeunes et vieux seront aussi beaucoup plus faciles à élucider.
La surveillance de la nidification est effectuée par deux systèmes de caméra : en hiver, avant le retour des milans royaux, on installe dans des aires connues des minicaméras munies d’un câble qui descend jusqu’au bas du tronc. On pourra ainsi surveiller ce qui se passe dans le nid : nombre d’oeufs, mortalité des oisillons et âge des jeunes. La couvée ne doit subir aucun dérangement dès la ponte et jusqu’à 15 jours après l’éclosion, pour éviter tout risque d’abandon. Les pièges photographiques avec détecteur de mouvement destinés à surveiller le nourrissage ne sont donc installés que plus tard.
Les résultats de l’année pilote 2015 ont fourni de premiers aperçus: dans la zone d’étude fribourgeoise, la cartographie des territoires systématique a permis de constater une densité de nichées parmi les plus élevées connues, avec cependant un faible taux de réussite: à peine 30 % des couples présents a élevé au minimum un jeune jusqu’à l’envol. De nombreux couples ont occupé un territoire sans couver. Nos résultats soulignent qu’une densité élevée de couples nicheurs ne va pas obligatoirement de pair avec un succès de reproduction élevé. La moyenne de 1,4 jeune par couple ayant réussi à élever un jeune restait au-dessous de la moyenne habituelle de 1,8. Le poids des jeunes lors du baguage a également montré de fortes différences. Ces valeurs basses s’expliquent par l’effondrement des populations de rongeurs à la fin du printemps, ce que nous avons pu mettre en évidence par le recensement des traces de rongeurs. En plus, le retard de la fauche en raison du temps humide de fin avril et début mai a rendu la chasse difficile.
Malgré le faible taux de réussite des nichées, 44 jeunes milans royaux issus de 33 nichées ont été équipés d’enregistreurs GPS. Comme pour beaucoup d’espèces, la plus forte mortalité a été constatée peu après l’envol. Elle était plus élevée chez les jeunes affichant un poids inférieur à la moyenne. Les premières données de déplacement sont à disposition, et peuvent être vues sur notre site internet (voir encadré). Ces études seront poursuivies et développées durant les trois prochaines saisons de nidification, afin de pouvoir suivre suffisamment de jeunes milans jusqu’à leur première nichée (à l’âge de 2 ou 3 ans), ce qui permettra d’étudier les effets des divers vols de reconnaissance et les comportements migratoires. Nous sommes déjà tout excités à la perspective du retour des jeunes de l’année dernière. Où vont-ils s’installer pour ce premier été ?