Les corvidés et l’agriculture

En Suisse, les espèces suivantes font partie de la famille des corvidés : le geai des chênes, la pie bavarde, le cassenoix moucheté, le chocard à bec jaune, le crave à bec rouge, le choucas des tours, le corbeau freux, la corneille (qui compte deux sous-espèces, la corneille noire et la corneille mantelée) ainsi que le grand corbeau. Sur la Liste rouge, le crave à bec rouge est considéré comme fortement menacé (EN) et le choucas des tours comme vulnérable (VU) (état 2010).

Les corvidés consomment une nourriture végétale et animale. Les corneilles noires et mantelées ainsi que les corbeaux freux trouvent leur nourriture entre autres dans les terres cultivées ouvertes. Selon la saison, les plantes cultivées peuvent constituer une part considérable de leur alimentation. Les corneilles et les corbeaux freux apprécient les céréales de printemps, les grains de maïs fraîchement semés, les germes, les épis de maïs mûrissants et les plantons de salades ou de légumes. Dans les vignes et les vergers, les corvidés et d'autres passereaux grégaires comme les étourneaux et les grives litornes peuvent localement causer des pertes financières en automne.
D'autre part, les corvidés agissent souvent comme « éboueurs biologiques » et ils sont, à ce titre, appréciés des paysans. Les corneilles et les grands corbeaux assument une fonction écologique importante en mangeant les charognes, les limaces et les campagnols. Il faut aussi mettre en évidence que les corneilles et les pies permettent la reproduction en zone agricole du faucon hobereau et de deux chasseurs efficaces de campagnols, le hibou moyen-duc et le faucon crécerelle. Ces prédateurs ne construisent pas leurs propres nids et dépendent donc des vieux nids de ces corvidés. Le geai participe quant à lui à la propagation naturelle du chêne, en cachant des glands dans le sol comme provision pour l'hiver. Il n'en retire qu'une partie et le reste peut germer.

Les corvidés et les dommages à l'agriculture

Les dommages causés par les corvidés à l'agriculture sont en premier lieu dus aux corneilles noires et mantelées, localement aussi aux corbeaux freux. Une enquête auprès des cantons et des services de vulgarisation agricole révèle que l'importance des dommages économiques n'a pas été estimée au niveau suisse à ce jour. Sur mandat de l'office cantonal de l'agriculture et de la nature (OAN), la Haute école des sciences agricoles, forestières et alimentaires (HAFL) à Zollikofen a mené une enquête en 2006 sur les dommages causés par les corvidés dans les cultures de maïs du canton de Berne. Les dommages estimés s'élèvent à 0,6-1 % de la valeur totale du maïs dans le canton et ont été classés comme économiquement minimes. Il a cependant été attesté que certaines exploitations peuvent être plus fortement touchées.
Par contre, les geais, les pies, les choucas et les grands corbeaux ne provoquent des dégâts qu'exceptionnellement. Les cassenoix mouchetés, les chocards à bec jaune et les craves à bec rouge utilisent à peine les cultures.
En Suisse, des recherches ont démontré que le régime alimentaire de la corneille noire dépenddu type d'agriculture pratiqué. Les proportions de nourriture végétale et animale varient selon la région, la saison et l'offre alimentaire. La nourriture végétale domine dans les secteurs de cultures intensives, alors qu'on trouve un fort pourcentage de nourriture animale là où l'agriculture est plus extensive. Pendant la période d'élevage des jeunes, le besoin en nourriture riche en protéines augmente. Pour nicher, les corneilles préfèrent ainsi les secteurs exploités de manière extensive, plus riches en micromammifères et en insectes. Alors que chaque couple reproducteur défend son territoire, les individus trop jeunes, sans partenaire ou sans territoire forment des troupes. Les proportions de nicheurs et de non-nicheurs peuvent fortement varier d'une région à l'autre. Les grands groupes se tiennent surtout dans les secteurs intensivement cultivés et peu structurés. La plupart des dégâts aux cultures sont causés par ces oiseaux non-nicheurs en troupes. Des enquêtes auprès des agriculteurs ont montré que les dommages apparaissent surtout lorsque plusieurs facteurs négatifs sont combinés : semis tardif, mauvais temps etc. Les champs de maïs, de légumes et de blé sont les plus touchés. L'ampleur des dégâts dépend surtout du temps nécessaire aux cultures pour dépasser la hauteur critique où elles ne sont plus consommées (10 à 15 cm pour le maïs). Les oiseaux nicheurs ne causent pas ou presque pas de dommages en période de reproduction.

Réduire les effectifs par des tirs ?

Selon la législation fédérale (Loi sur la chasse, LChP, état 2008, et l'Ordonnance sur la chasse, OChP, état 2012), le geai des chênes, la pie, le corbeau freux, les corneilles noire et mantelée ainsi que le grand corbeau sont chassables. Cependant, les cantons peuvent restreindre ou limiter de manière saisonnière la liste des espèces qui peuvent être chassées ; les inspections cantonales de la chasse fournissent des informations à ce sujet. Le cassenoix moucheté, le chocard à bec jaune, le crave à bec rouge et le choucas des tours sont protégés dans toute la Suisse. Les corvidés sont tirés en grand nombre car le milieu agricole se plaint souvent des dommagesqu’ils causent et les chasseurs craignent leur influence négative sur les effectifs du petit gibier. Entre 2001 et 2010, en moyenne 13900 corneilles noires et mantelées, 5800 geais, 2400 pies et 390 grands corbeaux ont été abattus chaque année.
Cependant, les effectifs des corneilles noires et mantelées en particulier, ne peuvent pas être régulés durablement par les tirs. Les effectifs évoluent selon l'offre alimentaire et en sites de nidification. Les secteurs structurés de manière adéquate et offrant suffisamment de nourriture animale pour l'élevage des jeunes sont limités. Les couples nicheurs occupent ces zones au printemps et défendent leur territoire contre leurs congénères, alors que le reste de la population est exclu de la reproduction. Comme pour beaucoup d'espèces d'oiseaux, le succès de reproduction diminue avec une densité de peuplement élevée. Lorsque des nicheurs sont tirés, leurs territoires alors libres sont rapidement occupés par les individus non-nicheurs « en attente » dans les troupes. Si les oiseaux en troupe sont tirés en grand nombre, le succès de reproduction des couples nicheurs augmente, puisqu'ils doivent défendre leur territoire contre moins de congénères et peuvent consacrer plus de temps à l'élevage de leurs jeunes.
Autrefois répandu, les tirs dans les nids de corneilles occupés en pleine période de reproduction ne doivent plus se reproduire, ne serait-ce que pour des raisons de protection des animaux ! A cela s'ajoute qu'ils représentent un grand risque de détruire des nichées d'espèces protégées : Les hiboux moyens-ducs et les faucons hobereaux (par endroits aussi les faucons crécerelles) ont besoin des anciens nids de corneille pour leur reproduction.

Mieux vaut prévenir que guérir

Plusieurs mesures préventives agrotechniques permettent de diminuer les dommages aux cultures :

  • Favoriser la diversité des structures : les corvidés préfèrent les endroits dégagés où ils se sentent en sécurité : les bosquets et les haies en bordure des champs servent par contre d'abris à leurs prédateurs naturels.La durée de séjour des corvidés dans les champs peut être réduite de cette manière.
  • Période des semailles : par mauvais temps, les pousses ont besoin de plus de temps pour atteindre la hauteur critique (10 à 15 cm pour le maïs p. ex.). Une bonne planification de la période des semailles diminue fortement les risques, en permettant une levée rapide des cultures les plus menacées.
  • Semis « propres » : il faut au possible éviter de laisser des grains ou des semences à la surface du champ, de manière à ne pas attirer l'attention des corvidés sur cette nourriture. Lorsque le sol le permet, il est conseillé de semer les grains de maïs profondément (év. compresser la parcelle au rouleau) pour qu'ils soient bien ancrés dans le sol.
  • Pause entre les travaux de préparation et les semailles : l'activité humaine et l'offre accrue de nourriture pendant le labourage et le hersage attirent les corneilles et les freux. C'est pourquoi il est conseillé d'attendre plusieurs jours entre les travaux de préparation et les semailles.
  • Champs souvent inondés : ces champs sont particulièrement vulnérables car le maïs y pousse lentement. De plus, l'humidité fait remonter à la surface du sol les animaux vivant sous terre, attirant ainsi les corneilles et corbeaux freux. Il faut donc éviter de cultiver du maïs dans ces champs.
  • Traitement des semences : l'efficacité des répulsifs chimiques est sujette à discussion. Seules les semences destinées aux champs très menacés devraient être traitées. L'effet de protection diminue cependant rapidement après la germination, ce qui rend ces mesures peu efficaces.

Difficile d'éloigner les corvidés

Les corvidés sont des oiseaux à grande faculté d'adaptation et extrêmement intelligents. Il faut de l'imagination et de la flexibilité pour les expulser ou les tenir efficacement éloignés des cultures en danger. Les mesures d'effarouchement agissent de manière satisfaisante uniquement si différentes méthodes sont utilisées alternativement et de manièrecombinée, sans quoi ces mesures perdent leur efficacité en l'espace de quelques jours : les oiseaux décèlent rapidement la supercherie.
Après les semailles, les méthodes d'effarouchement suivantes peuvent être utilisées alternativement ou ensemble : grands ballons remplis d'hélium, rubans de plastique coloré, tourniquets à vent, voitures stationnées, détonations et appareils combinant des stimuli visuels et acoustiques.

  • Lors d'un test, des ballons gonflés à l'hélium (diamètre minimal de 75 cm) attachés à des cordes de 20-30 m se sont révélés efficaces pendant 4 jours. Les ballons ne remplissent cependant leur rôle que s'ils volent ! Il faut donc veiller à les remplacer ou à les regonfler à temps. Cette méthode est détaillée plus loin dans cette feuille d’information.
  • On peut tendre des rubans de plastique coloré en zigzag ou en travers des champs, à une hauteur d’environ 80-100 cm, et avec un écartement maximal d'environ 2 m. Comme les pétards, ils sont efficaces entre 1 et 3 jours, un véhicule stationné environ une journée. Les épouvantails et les corneilles mortes suspendues ne montrent pas vraiment d'efficacité quantifiable.
  • Les pétards (canon à vigne) et les filets de protection offrent aux vergers et vignobles une protection efficace. Les filets doivent absolument être fortement et correctement tendus (aucune partie du filet ne doit toucher le sol), et être régulièrement contrôlés. Il faut renoncer à l’utilisation de filets à usage unique, qui constituent souvent un piège mortel pour les oiseaux et les hérissons. Une feuille d'information pour l'utilisation correcte des filets en viticulture « Filets dans le vignoble » est disponible auprès de l'Association Suisse pour la Protection des Oiseaux ASPO/BirdLife Suisse ou auprès de la Station ornithologique suisse.

Mesures de prévention avec des ballons gonflés à l'hélium

Des études menées par la Station ornithologique suisse ont montré que les ballons pouvaient généralement protéger les cultures contre les corvidés pendant env. 4 jours, et qu'un déplacement ultérieur de ces ballons pouvait en prolonger l'effet. Il est important que les ballons volent en permanence à 20-30 m de haut.

Procédé

On peut utiliser des ballons en caoutchouc (extensibles) ou des ballons alu (ballons avec une fine couche d'aluminium, non extensibles).

  • Il existe des ballons de différentes tailles. Nous recommandons un diamètre d'au moins 75 cm. La couleur des ballons ne semble pas déterminante.
  • Les ballons sont remplis d'hélium (non inflammable).
  • Comme tous les gaz, l'hélium se dilate à la chaleur et se contracte au froid. Ceci est particulièrement important pour les ballons alu qui ne sont pas élastiques comme ceux en latex.
  • Attachez les ballons à 20-30 m de fil de pêche, d'une résistance de 2 kg (brico-loisirs, magasin de pêche). Attention : les ballons et les fils ne doivent pas toucher de lignes ou de pylônes électriques.
  • Après avoir attaché le ballon au fil de pêche, faites fondre le bout de fil avec une allumette car une petite pointe peut facilement crever le ballon.
  • Dans le champ, le fil doit être bien attaché à un pieu ou à un gros caillou.
  • La plupart des ballons alu et certains ballons en latex peuvent être regonflés. Renseignez-vous auprès de votre fournisseur. Les ballons regonflés ne tiennent souvent pas aussi longtemps.
  • Les ballons sont attrayants et parfois emportés par les passants. C'est pourquoi il ne faut pas les placer au bord du champ ou d'un chemin. Une pancarte peut expliquer le but des ballons.
  • Les corvidés sont intelligents ! Ne placez donc les ballons dans le champ que lorsque les cultures sont en danger.
  • Après usage, il faut absolument enlever les ballons et les fils. Les ballons alu ou en latex peuvent être jetés dans une poubelle ordinaire.

Matériel

Ballons alu ou en latex ?

  • Les ballons en latex sont meilleur marché mais tiennent moins longtemps car ils perdent plus vite l'hélium et peuvent devenir cassants au soleil. Ils ne sont pas toujours regonflables. Selon le diamètre, il faut les regonfler ou les remplacer tous les 1-3 jours. Les gros ballons tiennent plus longtemps. Les objets pointus (chaumes) peuvent les faire éclater. Comme les ballons en latex sont élastiques, l'enveloppe du ballon peut s'adapter jusqu'à un certain point aux variations de volume du gaz. Les ballons en latex volent aussi par basse température mais ils peuvent aussi éclater par grande chaleur. Si de grandes chaleurs sont attendues, nous recommandons de ne pas trop les gonfler.
  • Les ballons alu sont plus chers mais tiennent plus longtemps en l'air. Comme ils ne sont pas élastiques, ils éclatent plus facilement par grande chaleur, et par basse température, ils tombent plus rapidement. La température optimale se situe entre 12 °C et 20 °C. Les ballons alu ne sont pas appropriés s'il fait froid. Ils sont plus résistants contre les pointes (chaumes) et peuvent être regonflés grâce à leur valve.

Données techniques & prix

Ballons en latex : ballons en caoutchouc, élastiques, éventuellement réutilisables, livrés avec un fermoir (ou peuvent être noués à la main avec la ficelle).

Diamètre  env. 75 cm  env. 115 cm
Besoin en hélium/ballon  0,2 m3  0,7 m3
Durée de « vol »(valeur empirique)  1-2 jours  4-7 jours
Nombre de ballon  3-5 ballons/ha  1 ballon/2-3 ha

 

 

 

 

Prix par ballon (sans gaz) : selon la grosseur, entre env. Fr. 7.– et Fr. 20.–. Renseignez-vous auprès de votre détaillant.La durée de vol peut être prolongée de 10-20 heures avec « Ultra Hi Float » (fournisseur : p. ex. Ballon-Müller SA). Ultra Hi Float est un liquide versé dans le ballon et réparti à l’intérieur. L’hélium s’échappe alors moins vite. 1 litre de ce liquide suffit pour 20-25 ballons en latex d’un diamètre de 75 cm.

Ballons alu : recouverts d’aluminium, pas élastiques, valve pour gonfler, regonflables.

Diamètre env. 70 cm 
Besoin en hélium/ballon  0,8 m3
Durée de « vol » (valeur empirique)  5-10 jours
Nombre de ballons  3-5 ballons/ha
Prix par ballon sans gaz
(renseignez-vous auprès de votre détaillant)
 env. Fr. 16.–

 

 

 

 

 

 

 

Hélium : en vente en bonbonnes de 2 m3 à 10 m3. Prix selon la contenance, entre Fr. 95.– et Fr. 290.– env. Les bonbonnes sont livrées avec un gonfleur automatique (location d’un gonfleur automatique env. Fr. 19.– [ballons en latex] et env. Fr. 27. – [ballons en alu] par semaine).

Fournisseurs (sélection)

Ballons & hélium :
Ballon-Müller SA
1029 Villars-Ste-Croix
021 633 50 50
www.ballon-muller.ch

Hélium, aussi quelques ballons :
PanGas-Center (centres de distribution régionaux)
Contact Center 0844 800 300
www.pangas.ch

Bien organisé, c'est déjà à moitié gagné !

Il serait avantageux que plusieurs agriculteurs se regroupent afin d'organiser une seule fois l'achat du gaz et la location des gonfleurs automatiques.Idéalement, les associations paysannes pourraient commander les ballons, l'hélium et les gonfleurs automatiques. Elles pourraient les revendre ensuite aux agriculteurs.

Quand faut-il une autorisation ?

Selon l'office fédéral de l'aviation civile (OFAC), les ballons à hélium avec une corde de moins de 60 m ne sont soumis à autorisation que dans un rayon de 3 km autour d’un terrain d'atterrissage civil ou militaire. Renseignements sur les terrains d’atterrissage ainsi que sur les autorisations auprès de l'OFAC, 3003 Berne, 031 325 80 39.
E-mail : info@bazl.admin.ch.

Autres feuilles d'information :

Les feuilles d'information suivantes, éditées par l'Association Suisse pour la Protection des Oiseaux ASPO/BirdLife Suisse et la Station ornithologique suisse, peuvent être téléchargées sur www.birdlife.ch ou sur www.vogelwarte.ch ou commandées gratuitement auprès de l'ASPO/BirdLife Suisse ou de la Station ornithologique (prière de joindre une enveloppe affranchie).

Impressum : Feuilles d'information pour la protection des oiseaux

© Station ornithologique suisse & ASPO/BirdLife Suisse, Sempach & La Sauge, 2012.
Auteur : Kurt Bollmann
La reproduction avec références est souhaitée.

Feuille d'information

Les corvidés et l’agriculture